La détection des talents, l’imagination de nouveaux univers et la valorisation de l’expérience du joueur ont été le quotidien de Serge Hascoët pendant près de trente-cinq ans au sein d’Ubisoft.
Pendant vingt-ans, ce créatif a dirigé « L’éditorial », le pôle central d’Ubisoft, consacré à l’orientation et la production des jeux vidéo.
Serge Hascoët revient sur les évolutions des jeux vidéo et raconte l’émergence des jeux dits « à monde ouvert ».
Serge Hascoët nous parle de « l’anecdote factory »
Aujourd’hui troisième éditeur mondial de jeux vidéo, Ubisoft a été créé en 1986.
Recruté au sein de l’entreprise en tant que « game designer » en 1987, Serge Hascoët a évolué progressivement au sein de l’entreprise et a observé, voire impulsé, certains changements dans le style des jeux.
Serge Hascoët raconte en effet qu’Ubisoft est devenu au fil des années une « anecdote factory » en faisant évoluer les jeux vidéo vers des « mondes ouverts » dans lesquels rien n’est écrit.
L’enjeu est de permettre au joueur d’écrire et de vivre sa propre histoire, grâce à une sorte de scénario aléatoire.
L’objectif est de proposer au joueur une expérience unique dans laquelle sa compétence et son autonomie sont valorisées. En lui apportant ces possibilités, Serge Hascoët considère que le joueur sera davantage engagé et concentré dans le jeu au point d’atteindre l’état de « flow » c’est-à-dire un état d’engagement et de satisfaction maximale.
Cette évolution dans la conception des jeux vidéo, dont Far Cry est un exemple significatif, a répondu à une nécessaire adaptation aux besoins du marché afin d’être en phase avec les progrès constants de la technique.
Dans la conception d’un jeu, Serge Hascoët recherche un infini : dans un livre ou un film par exemple, la fin est écrite et inévitable contrairement aux jeux vidéo qui peuvent se dérouler sans fin.
Pour Serge Hascoët cette bascule des jeux linéaires vers des jeux « à monde ouvert » est une des raisons pour lesquelles le jeu vidéo est devenu la première industrie culturelle française.
La bascule s’est opérée depuis une dizaine d’années avec notamment le premier Assassin’s Creed qui se déroulait à l’époque des croisades et a permis aux jeux systémiques de prendre une véritable avance sur les jeux linéaires.
Serge Hascoët considère également qu’au-delà des évolutions propres aux jeux, le regard porté sur les jeux vidéo a lui aussi évolué.
Les effets positifs des jeux vidéo selon Serge Hascoët
Le « trouble du jeu vidéo » a officiellement été reconnu comme un comportement à risque par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2019. Selon l’organisation, le « gaming disorder » serait un trouble lié à une pratique intense des jeux vidéo qui entraînerait une addiction et aurait donc des répercussions dommageables sur le joueur.
Serge Hascoët souligne toutefois que le jeu vidéo peut également avoir des impacts positifs et surtout actifs.
En effet, si l’inaction est l’un des dommages soulignés par l’OMS, Serge Hascoët souligne toutefois que certains jeux peuvent stimuler l’action comme « Just Dance » par exemple.
Par ailleurs, Serge Hascoët considère également que le jeu vidéo peut être envisagé comme un vecteur d’apprentissage social : les joueurs doivent en effet apprendre à comprendre l’autre dans un rapport d’interaction pour pouvoir progresser et aboutir à une solution collective.
Enfin, grâce aux neurosciences et sciences cognitives, le jeu peut être un outil permettant de lutter contre certaines difficultés scolaires comme la dyslexie.
Pour Serge Hascoët, l’exploration de nouveaux champs de possibilités est devenue le pendant indispensable des évolutions technologiques, avec notamment la réalité virtuelle qui révolutionne le métier.